|
AJDA 2005 p.
732 |
Recours abusif et
procédure prioritaire de demande d'asile Ordonnance rendue
par Tribunal administratif de Lyon - 1 octobre 2004 - n° 0406492 Note S. Glogowski |
Sommaire
: Ne relève pas d'un recours abusif
aux procédures d'asile le seul dépôt tardif de sa demande par un étranger
plus de sept mois après son entrée sur le territoire français. |
|
Texte intégral : LE LITIGE M. Armen
DAVTYAN, de nationalité arménienne, demeurant chez M. Derarsenian,
50 chemin de la Bertodière à DECINES (69150),
représenté par Me ROBIN, avocat au barreau de Lyon, a saisi le tribunal
administratif d'une requête enregistrée au greffe le 21 septembre 2004, sous
le n°0406492 ; M. Armen
DAVTYAN demande au tribunal : de suspendre la décision du 17 août
2004 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour en
qualité de demandeur d'asile ; d'enjoindre au préfet du Rhône
d'enregistrer la demande d'admission au séjour de M. Armen
DAVTYAN et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité
de demandeur d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter
de la notification du jugement ; de requalifier l'examen de la
demande d'asile en procédure normale et non prioritaire ; d'enjoindre au préfet du Rhône de
transmettre le jugement à l'OFPRA sous huitaine à compter de sa notification
; de condamner l'Etat à payer la
somme de 760 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ; L'AUDIENCE Les parties ont été régulièrement
averties de l'audience publique qui a eu lieu le 30 septembre 2004 ; L'audience a été présidée par Mme
FELMY, président de chambre, statuant en application de l'article L. 511-2 du
code de justice administrative, assistée de Mme DENIZART, greffière ; A cette audience, après lecture de
son rapport par Mme FELMY, ont été entendues les observations de : Me ROBIN, avocat du requérant, M. GUINET, représentant le préfet
du Rhône ; LA DECISION Après avoir examiné la requête,
ainsi que le mémoire et les pièces produits par le requérant, et vu les
textes suivants : la loi du 25 juillet 1952 modifiée
relative au droit d'asile, le code de justice administrative ; Considérant qu'aux termes de
l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision
administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner
la suspension de l'exécution de cette décision, de certains de ses effets,
lorsque l'urgence le justifie, et qu'il est fait état d'un moyen propre à
créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la
décision » ; Sur l'étendue du litige : Considérant que M. Armen Davtyan a fait l'objet
d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et
apatrides de sa demande d'asile le 17 septembre 2004 notifiée le 28 septembre
2004 ; Considérant qu'aux termes de
l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : «
L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir
jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des
réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification
de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois
à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son
autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français.
L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre
dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 8 bénéficie du droit à se
maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office
français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une
décision de rejet [...] » ; Considérant que les demandeurs
d'asile soumis à la procédure prioritaire ne bénéficient pas des mêmes droits
et des mêmes garanties que les autres demandeurs d'asile, dès lors qu'ils ne
peuvent se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la
décision de la commission des recours, lorsque un recours a été formé contre
la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
que, par suite, il y a lieu de statuer sur la requête de M. Armen Davtyan tendant à obtenir
la suspension de la décision du préfet du Rhône du 17 août 2004 refusant de
l'admettre au séjour ; Sur le doute sérieux : Considérant qu'aux termes de
l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : «
Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande
à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève
du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police. Un préfet de
département, et à Paris le préfet de police, peut être compétent pour exercer
cette mission dans plusieurs départements. L'admission au séjour ne peut être
refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas
mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Sous
réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de
Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à
bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : [...] 4° La demande
d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux
procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure
d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours
abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs
demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités
différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la
demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît
qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de
l'Union européenne » ; Considérant que M. Armen Davtyan, de nationalité
arménienne, s'est vu refuser, par une décision du 17 août 2004, l'admission
provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile par le préfet du Rhône,
au motif que « vous avez formulé votre demande d'asile plus de sept mois
après votre entrée sur le territoire, ce qui laisse planer des doutes sérieux
sur la réalité des menaces que vous pouvez craindre dans votre pays. Je
considère donc que votre demande du 5 août 2004 constitue un recours abusif
aux procédures d'asile » ; que le seul fait que M. Armen
Davtyan ait saisi le préfet sept mois après son
arrivée sans examiner les conditions de son entrée et de son maintien sur le
territoire français, alors même qu'il ne faisait pas l'objet d'une mesure
d'éloignement, ne peut être regardé à lui seul comme laissant planer des
doutes sérieux sur la réalité des menaces dont le requérant se prévaut ; que
si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides saisi selon la
procédure prioritaire a prononcé le 17 septembre 2004 une décision de rejet
de la demande d'asile de M. Armen Davtyan, celle-ci ne saurait lier le juge administratif
dans l'appréciation qu'il porte sur le caractère abusif de la demande d'asile
; Considérant que les conditions de
séjour régulier qui découlent de l'analyse de la demande du requérant par le
préfet justifient l'urgence à statuer sur la présente requête. Considérant qu'il résulte de ce qui
précède que, les conditions édictées à l'article L. 521-1 étant réunies,
l'exécution de la décision du 17 août 2004 est suspendue ; qu'il appartient à
l'autorité administrative de délivrer en conséquence une autorisation
provisoire de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification
de la présente décision jusqu'au prononcé soit de la décision de la commission
de recours des réfugiés saisie par le requérant, soit de la décision au fond
sur la requête n° 0406491 tendant à l'annulation de la décision suspendue ;
que les conclusions aux fins de requalification de la demande d'asile et
d'injonction au préfet du Rhône de transmettre le présent jugement à l'OFPRA
ne peuvent qu'être rejetées ; Considérant qu'il
y a pas lieu de prononcer l'astreinte demandée ; Sur les frais irrépétibles
: Considérant qu'aux termes de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les
instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la
partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre
des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité
ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office,
pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il y a pas lieu à
cette condamnation » ; Considérant qu'il y a lieu, dans
les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, qui succombe à
l'instance, au paiement de frais irrépétibles à
hauteur de 600 euros ; Le juge des référés ordonne : Art. 1er : L'exécution de la
décision du préfet du Rhône du 17 août 2004 refusant à M. Arven
Davtyan son admission provisoire au séjour en
qualité de demandeur d'asile est suspendue. Art. 2 : Il est enjoint au préfet
du Rhône de délivrer dans le délai de 15 jours à compter de la notification
de la présente décision à M. Arven Davtyan une autorisation provisoire de séjour jusqu'à
l'intervention soit de la décision de la commission de recours des réfugiés,
soit de la décision sur la requête n° 0406491 tendant à l'annulation de la
décision du 17 août 2004. Article 3 : L'Etat
est condamné au paiement de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative. Article 4 : Le surplus des
conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : La présente ordonnance
sera notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 522-12 du code de
justice administrative. |
Demandeur : Davtyan Composition de la juridiction : Mme Felmy, juge réf. - Me Robin, av. |
|
Mots clés : ETRANGER * Asile * Procédure
d'asile * Recours abusif |
|