AJDA 2004 p. 1198

 

L'enfant à naître, un membre de la famille pour le juge administratif

 

Ordonnance rendue par Tribunal administratif de Lyon - 4 novembre 2003 - n° 0304787

 

Ordonnance rendue par Conseil d'Etat - 25 novembre 2003 - n° 261913

 

Note S. Glogowski

 

 

Sommaire :

Dans l'imminence de l'accouchement, porte une atteinte grave à la liberté fondamentale du respect de la vie familiale la décision du préfet de remise d'un étranger aux autorités autrichiennes, dès lors que cette décision est susceptible, soit de le priver de se trouver auprès de sa femme, soit de mettre en péril la vie de l'enfant à naître.

 

 

 

Texte intégral de l’ Ordonnance rendue par Tribunal administratif de Lyon - 4 novembre 2003 - n° 0304787

 

Le litige

 

Vu l'ordonnance en date du 22 octobre 2003, par laquelle le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur la requête enregistrée au greffe le 20 octobre 2003 sous le n° 0304787 de M. Nikoghosyan, de nationalité arménienne, faisant élection de domicile au cabinet de Me Couderc, 11, rue Auguste Lacroix à Lyon (69003) ;

 

Par un mémoire complémentaire enregistré au greffe le 31 octobre 2003, le requérant demande l'entier bénéfice de ses précédentes écritures, sur le fondement combiné de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3 de la Convention contre la Torture, et de l'article 33 de la Convention de Genève ;

 

L'instruction de l'affaire

 

Mme Kepekian interprète a prêté serment à l'audience ;

 

L'audience

 

Les parties ont été régulièrement averties de l'audience publique qui a eu lieu le 3 novembre 2003 ;

 

A cette audience, le Tribunal, assisté de M. Boffetti, greffier, a entendu :

 

- le rapport de Mme Felmy, président,

 

- les observations de Me Couderc, avocat du requérant,

 

- les observations de M. Arayik Nikoghosyan requérant, assisté de Mme Kepekian, interprète,

 

- les observations de M. Guinet, représentant le préfet du Rhône ;

 

La décision

 

Après avoir examiné la requête, ainsi que le mémoire et les pièces produites par les parties et vu les textes suivants :

 

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

 

- le Règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003,

 

- le code de justice administrative,

 

- la décision en date du 2 janvier 2003 par laquelle, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif a désigné Mme Felmy, président de chambre, en qualité de juge des référés ;

 

Le juge des référés,

 

Sur l'atteinte à une liberté publique fondamentale :

 

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai raisonnable de quarante-huit heures » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance [...] » ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement du Conseil du 18 février 2003 : « 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'Etat membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet Etat devient l'Etat membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe l'Etat membre antérieurement responsable, celui qui conduit une procédure de détermination de l'Etat membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge [...] » ;

 

Considérant que le caractère exécutoire de l'arrêté n° 03/69/3064 du préfet du Rhône portant « remise d'un étranger aux autorités d'un pays signataire du Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 » justifie en lui-même l'urgence de la demande portée à la connaissance du tribunal ;

 

Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspire le code civil, que l'enfant est réputé né chaque fois qu'il y va de son intérêt ; qu'il convient d'appliquer ce principe de façon relative, lorsque l'imminence de l'accouchement pourrait priver M. Nikoghosyan de se trouver auprès de sa femme, ou encore lorsque le départ de Mme Nikoghosyan en Autriche avec son époux pourrait mettre en péril la vie de l'enfant à naître ; que, si le départ de M. Nikoghosyan en Autriche ne serait pas en soi susceptible de porter atteinte au respect de leur vie privée et familiale, dès lors, que M. Nikoghosyan a fait l'objet d'un arrêté n° 03/69/3064 du 30 septembre 2003 de remise d'un étranger aux autorités d'un pays signataire du Règlement du Conseil du 18 février 2003, et que son épouse, Mme Nikoghosyan a fait l'objet à la même date d'un arrêté similaire n° 03/69/3065, il convient d'intégrer l'enfant à naître dans la cellule familiale visée à l'article 8 de la Convention ; qu'il résulte de l'instruction que l'accouchement de Mme Nikoghosyan est prévu le 20 décembre 2003 ; que compte tenu des antécédents médicaux particulièrement importants évoqués à l'audience dont les certificats médicaux retranscrivent imparfaitement le caractère dangereux pour l'enfant à naître en raison de l'opposition manifestée par les médecins pour lever le secret médical, et du fait que l'administration préfectorale admet l'impossibilité de remettre Mme Nikoghosyan aux autorités autrichiennes en raison de son état, il apparaît que la mesure prise de remise aux autorités autrichiennes de M. Nikoghosyan, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté publique fondamentale du respect de sa vie familiale ; qu'en conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 03/69/3064, et de faire transmettre la demande d'asile de M. Nikoghosyan, sur le fondement de l'article 3-2 du règlement du Conseil du 18 février 2003, aux fins qu'elle soit instruite par le service compétent ;

 

Sur les frais irrépétibles :

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il y a pas lieu à cette condamnation » ;

 

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. Nikoghosyan la somme de 750 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

 

Ordonne :

 

Art. 1er : Il est enjoint au préfet du Rhône de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 03/69/3064 du 30 septembre 2003 et de transmettre la demande d'asile de M. Nikoghosyan aux services compétents pour l'instruire.

 

Art. 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Nikoghosyan la somme de 750 euros en application de l'article L. 761 du code de justice administrative.

 

Art. 3 : La présente ordonnance sera notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 522-12 du code de justice administrative.

 

Prononcé, le quatre novembre deux mille trois.

 

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

 

 

Demandeur : Arayik Nikohosyan

Composition de la juridiction : Mme Felmy, juge réf. - Me Couderc, av.

 

 

 

 

Mots clés :

ETRANGER * Reconduite à la frontière * Droit au respect de la vie familiale * Enfant à naître

PROCEDURE CONTENTIEUSE * Procédure d'urgence * Référé-liberté

 

  

 

 

 

 

AJDA 2004 p. 1198

 

L'enfant à naître, un membre de la famille pour le juge administratif

 

Ordonnance rendue par Conseil d'Etat

 

 

 

25 novembre 2003

 

n° 261913

 

Sommaire :

Dans l'imminence de l'accouchement, porte une atteinte grave à la liberté fondamentale du respect de la vie familiale la décision du préfet de remise d'un étranger aux autorités autrichiennes, dès lors que cette décision est susceptible, soit de le priver de se trouver auprès de sa femme, soit de mettre en péril la vie de l'enfant à naître.

 

 

 

Texte intégral :

Vu le recours, enregistré le 19 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des libertés locales tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat :

 

1° annule l'ordonnance du 4 novembre 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au Préfet du Rhône de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 septembre 2003 de remise aux autorités autrichiennes de M. Arayik Nikoghosyan et de transmettre sa demande d'asile aux autorités compétentes pour l'instruire ;

 

2° rejette la demande de M. M. Arayik Nikoghosyan ;

 

Le ministre soutient que l'arrêté préfectoral de remise aux autorités autrichiennes n'est pas en lui même constitutif d'une situation d'urgence ; qu'en effet, il n'implique aucun changement dans la situation juridique de M. Arayik Nikoghosyan ; que ce dernier peut mettre en oeuvre son droit d'asile en Autriche où il n'encourt aucun risque ; que la décision du préfet n'a pas de caractère exécutoire ; qu'elle ne produira pas ses effets avant que la femme de M. Arayik Nikoghosyan, sur le point d'accoucher, et son enfant ne soient en état d'être réadmis en Autriche ; que, c'est donc à tort que le juge des référés a considéré la condition d'urgence comme remplie ; que la décision du préfet ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie privée et familiale de M. Arayik Nikoghosyan puisque les membres de la famille ne seront pas séparés ; que les moyens invoqués par M. Arayik Nikoghosyan selon lesquels d'une part, le préfet du Rhône aurait dû se reconnaître compétent pour instruire sa demande d'asile et, d'autre part, sa famille encourt des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Autriche, ne sont pas fondés ;

 

Vu l'ordonnance attaquée ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2003, présenté pour M. Arayik Nikoghosyan ; il tend au rejet du recours ; il soutient que l'arrêté du préfet a un caractère exécutoire ; que, de surcroît, le délai de sa réadmission expire en janvier 2004 et celui de son épouse en février 2004 ; que la décision préfectorale implique un changement dans sa situation de droit ; que sa demande d'asile ne sera pas examinée dans les mêmes conditions par les autorités autrichiennes que par les autorités françaises ; qu'en Autriche, sa famille ne pourra accéder ni au logement ni aux soins médicaux nécessaires ; que la condition d'urgence doit donc être considérée comme remplie ; que l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que, malgré la déclaration d'intention du préfet, M. Arayik Nikoghosyan ne dispose d'aucune garantie contre l'exécution de la décision ; que la remise aux autorités autrichiennes de la famille Nikoghosyan risque de l'exposer à des traitements contraires aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet du Rhône aurait dû se reconnaître compétent pour instruire la demande d'asile de M. Arayik Nikoghosyan au titre de l'article 8 du règlement communautaire du 18 février 2003 ;

 

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 21 novembre 2003, présenté pour l'association Tiberius Claudius ; elle tend au rejet du recours par les mêmes moyens que ceux du mémoire en défense ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Vu la Convention de Dublin du 15 juin 1990 publiée par le décret du 30 septembre 1997 ;

 

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

 

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

 

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et, d'autre part, M. Arayik Nikoghosyan ;

 

Vu le procès verbal de l'audience publique du lundi 24 novembre 2003 à 11 heures 30, à laquelle ont été entendus :

 

- les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

 

- Me Bouthors, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Arayik Nikoghosyan ;

 

Sur l'intervention :

 

Considérant qu'eu égard à son objet statutaire, l'association Tiberius Claudius a intérêt à la confirmation de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

 

Sur le recours du ministre :

 

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures... » ;

 

Considérant que par l'ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône de ne pas mettre à exécution son arrêté du 30 septembre 2003 décidant que M. Arayik Nikoghosyan, de nationalité arménienne, serait remis aux autorités de l'Autriche en application de l'article 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui permet cette remise aux autorités compétentes de l'Etat membre de la CEE dont il provient directement, conformément aux dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de la Communauté ; qu'il a en conséquence enjoint aux autorités françaises d'instruire la demande d'asile conventionnel introduite par l'intéressé, en même temps que celle de son épouse, à la préfecture du Rhône le 15 avril 2003 ;

 

Considérant que la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes par un ressortissant d'un pays tiers s'effectue selon les règles prévues par la convention signée à Dublin le 15 juin 1990, publiée par décret du 30 septembre 1997, à laquelle s'est substitué le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que la mise en oeuvre de cette procédure ne saurait par elle-même porter atteinte à la liberté fondamentale de solliciter le statut de réfugié ; que toutefois l'exercice de cette liberté se trouverait compromis si l'examen de la demande s'effectuait sans la présence de son auteur, seul à même d'apporter les justifications exigées et de répondre aux interrogations des autorités en charge de l'instruction du dossier ;

 

Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a relevé qu'eu égard à l'imminence de l'accouchement de Mme Nikoghosyan, prévu vers le 20 décembre 2003, ainsi que des lourds antécédents médicaux de celle-ci, la remise aux autorités autrichiennes de son mari, décidée par arrêté préfectoral du 30 septembre 2003, porterait une atteinte grave et manifestement illégale au droit de celui-ci au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sans contester l'appréciation des risques ainsi encourus ni la nécessité de préserver le principe de l'unité de la famille, le ministre appelant fait valoir que la décision de remise aux autorités autrichiennes de M. Nikoghosyan ne sera pas mise en application tant que des garanties médicales appropriées n'assureront pas qu'elle puisse l'être sans danger pour son épouse et pour l'enfant à naître, mais que rien ne fait obstacle au principe de sa réadmission, acceptée par l'Autriche le 10 juillet 2003, ni au dessaisissement de l'OFPRA au profit des autorités autrichiennes, demandé par le préfet le 4 septembre 2003 ;

 

Considérant, d'une part, qu'une décision de remise à un Etat étranger, susceptible d'être exécutée d'office en vertu de l'article 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, crée pour son destinataire une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, alors même que l'administration exprime son intention d'en différer l'application effective ;

 

Considérant, d'autre part, que tant la Convention de Dublin que le règlement communautaire du 18 février 2003 réservent la faculté de tout Etat membre de procéder pour des raisons humanitaires, avec l'accord de l'intéressé, à l'examen d'une demande d'asile qui ne lui incombe pas en vertu des critères applicables ; qu'en plaçant M. Nikoghosyan devant l'alternative, soit de quitter sa famille pour soutenir sa demande d'asile en Autriche, soit de voir celle-ci examinée en son absence pendant une durée indéterminée, les décisions susmentionnées du préfet du Rhône ont porté une atteinte grave et manifestement illégale, selon le cas, soit à son droit au respect de la vie familiale soit à son droit de bénéficier d'une procédure d'examen de sa demande d'asile conforme aux garanties qui doivent s'y attacher ;

 

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

 

Ordonne :

 

Art. 1er : L'intervention de l'association Tiberius Claudius est admise.

 

Art. 2 : Le recours du ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales est rejeté.

 

Art. 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à M. Arayik Nikoghosyan et à l'association Tiberius Claudius.

 

 

 

Demandeur : Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales

Défendeur : Nikoghosyan

Composition de la juridiction : M. Robineau, juge réf. - Me Bouthors, av.

 

 

 

 

Mots clés :

ETRANGER * Reconduite à la frontière * Droit au respect de la vie familiale * Enfant à naître

PROCEDURE CONTENTIEUSE * Procédure d'urgence * Référé-liberté

 

  

 

 

 

 

 

 

AJDA 2004 p. 1198

 

L'enfant à naître, un membre de la famille pour le juge administratif

 

 

Stéphane Glogowski, Assistant de justice au tribunal administratif de Lyon

 

 

« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris » (V. Hugo, Les Feuilles d'automne, XIX, Lorsque l'enfant paraît, Gallimard, 1981). Par une ordonnance de référé-liberté du 4 novembre 2003, le tribunal administratif de Lyon prend position sur ce moment si important pour la vie d'un couple qu'est l'accouchement, et plus précisément sur la période qui le précède de quelques jours. Il propose une interprétation originale de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH) portant sur le respect de la vie privée et familiale, aux termes duquel : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». En appliquant le principe civiliste infans conceptus pro jam nato habetur... (H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Litec, éd. 1992, p. 331 : Infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ejus agitur - L'enfant conçu est réputé né toutes les fois qu'il y va de son intérêt ; Digeste de Justinien, Livre 1, titre 5, § 77 ; v. notamment, X. Labbée, J.-Cl. civil, code art. 16, fasc. 50, spéc. n° 29 et s.) à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le tribunal administratif de Lyon considère que l'enfant à naître, dans l'hypothèse de l'imminence d'un accouchement, doit être intégré à la cellule familiale pour l'application de l'article 8 précité. L'ordonnance du tribunal administratif de Lyon a été confirmée par une ordonnance du Conseil d'Etat du 25 novembre 2003.

 

En l'espèce, les époux Nikoghosyan faisaient, tous deux, l'objet d'un arrêté préfectoral de non-reconduction de leur titre de séjour en France, et de reconduite en Autriche, aux fins de voir traiter leur demande d'asile dans ce pays. M. Nikoghosyan, de nationalité arménienne, avait épousé en secondes noces une femme de nationalité moldave. M. et Mme Nikoghosyan, en raison du caractère mixte arméno-moldave de leur couple, avaient connu des difficultés importantes, aussi bien en Moldavie où ils avaient tout d'abord résidé, qu'en Arménie. Ils avaient tous deux subis des violences physiques graves, M. Nikoghosyan lorsque le couple avait résidé dans le pays de sa femme, Mme Nikoghosyan lors de leur déménagement en Arménie. Ils avaient donc décidé de fuir en Europe séparément, puis de se retrouver en Autriche. Arrivée la première, Mme Nikoghosyan y avait déposé une demande d'asile, puis avait continué son voyage avec sa fille jusqu'en France. M. Nikoghosyan, qui avait également déposé une demande d'asile en Autriche, avait rejoint sa femme dès qu'il avait eu connaissance de sa destination finale. Ils avaient alors déposé ensemble une seconde demande d'asile en France. Le préfet du Rhône ayant appris, grâce au fichier Eurodac qui enregistre toutes les empreintes digitales des demandeurs d'asile de l'Union européenne, que les époux Nikoghosyan avaient déjà déposé sous un faux nom une demande en Autriche, avait rendu les arrêtés précités. La situation était délicate car Mme Nikoghosyan était enceinte d'un second enfant, le terme étant relativement proche. Le couple pouvait donc être séparé, du fait de l'accouchement de Mme Nikoghosyan en France et de la reconduite de M. Nikoghosyan en Autriche. Il pouvait également faire l'objet d'une reconduite conjointe en Autriche, avec un risque de fausse couche pour Mme Nikoghosyan dû aux lourds antécédents médicaux de cette dernière. M. Nikoghosyan avait alors déposé une requête en référé liberté, afin que soient ordonnées la suspension de l'arrêté préfectoral le concernant et l'étude par la France de sa demande d'asile.

 

Le tribunal administratif de Lyon, en appliquant le principe infans conceptus pro jam nato habetur... à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, suppose au préalable que les époux Nikoghosyan aient pu se prévaloir dudit article dans le cadre du contentieux des étrangers.

 

 

Le droit des étrangers au respect de leur vie familiale

 

Le droit des étrangers a fait l'objet d'une actualité assez chargée au cours de l'année 2003. Le règlement communautaire du 18 février 2003 s'est tout d'abord substitué à la convention dite de Dublin du 15 juin 1990, portant sur la détermination de l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par un ressortissant étranger (règlement 2003/343/CE du Conseil établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, JOCE 25 février 2003). Le 22 septembre 2003, le Conseil a adopté une directive visant à favoriser le regroupement familial. Elle fixe principalement comme objectifs de favoriser la libre circulation des personnes et la protection des droits des ressortissants de pays tiers (directive 2003/86/CE du Conseil relative au droit au regroupement familial, JOUE 3 octobre 2003). Surtout, elle invite les pays membres de l'Union à adopter des mesures concernant le regroupement familial « en conformité avec l'obligation de protection de la famille et le respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l'article 8 de la Convention européenne des droits humains et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ». Enfin, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers et la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ont été réformées par les lois du 26 novembre 2003 (modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers) et du 10 décembre 2003 (modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile).

 

L'ordonnance de référé liberté du tribunal administratif de Lyon s'inscrit donc dans un vaste mouvement européen et national de refonte de la réglementation, mais aussi de protection des ressortissants étrangers. Depuis la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, le juge administratif dispose en effet du pouvoir d'ordonner, lorsqu'il est saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » (art. L. 521-2 du code de justice administrative). Encore fallait-il que la liberté fondamentale qui réside à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme sur le respect de la vie privée et familiale trouve à s'appliquer au contentieux des étrangers, pour que le moyen puisse être retenu par les juges du fond (v., sur la question, C. Van Muylder, Le droit au respect de la vie privée des étrangers, une application novatrice de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dans le contentieux des étrangers, RFDA 2001, p. 797  ; v., également, V. Tchen, Le droit des étrangers, 10 ans de jurisprudence 1989-1999, Dr. adm. n° spécial, p. 9). Initialement, le Conseil d'Etat se refusait à appliquer l'article 8 aux étrangers (CE 25 juillet 1980, Touami Ben Abdeslem, req. n° 21222), avant d'opérer un revirement dans trois arrêts (CE 18 janvier 1991, Beldjoudi, Lebon p. 18  ; CE 19 avril 1991, Belgacem, Lebon p. 152, concl. R. Abraham  ; AJDA 1991, p. 551, note F. Julien-Laferrière  ; CE 19 avril 1991, Mme Babas, Lebon p. 162, concl. R. Abraham  ; AJDA 1991, p. 551, note préc.  ; RFDA 1991, p. 501). Aujourd'hui, la jurisprudence de la Haute juridiction tend à s'aligner sur celle de la Cour européenne des droits de l'homme, en ce qu'elle ne retient une violation de l'article 8 que lorsque l'ingérence dans l'exercice de la vie privée ou familiale du requérant est disproportionnée par rapport aux buts de la décision administrative contestée. Dans le cadre de ce contrôle de proportionnalité, le Conseil d'Etat avait ainsi jugé que le refus de délivrer un visa de long séjour à une jeune femme du Bangladesh, qui souhaitait rejoindre son père, sa mère, et ses cinq frères et soeurs mineurs, en France, constituait « une atteinte disproportionnée, au droit de Mlle Begum Shahanas à une vie familiale normale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (CE 7 juin 1999, Begum Shahanaz, req. n° 197607). Devant les juridictions du fond, le droit au respect de la vie privée et familiale génère un contentieux important, qui est à la hauteur des espoirs suscités : la densité humaine est, en effet, palpable dans chacun des dossiers soumis à la juridiction administrative, et en particulier durant les audiences où le requérant est généralement entouré par toute sa famille.

 

 

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe infans conceptus pro jam nato habetur...

 

L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme trouvait difficilement à s'appliquer à l'espèce étudiée. Tout d'abord, la préfecture du Rhône n'était pas dans l'obligation de traiter la demande d'asile du couple Nikoghosyan. Selon le règlement communautaire du 18 février 2003 précité, le premier pays dans lequel ils avaient déposé leur demande d'asile était seul compétent pour la traiter (art. 13). Toutefois, l'article 3-2 du règlement énonce : « Par dérogation au paragraphe 1, chaque Etat membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ». La question posée au juge des référés était donc la suivante : la violation par l'arrêté préfectoral d'une liberté fondamentale pouvait-elle rendre la faculté octroyée à la France de traiter la demande d'asile comme obligatoire ? Le tribunal administratif de Lyon, comme le Conseil d'Etat répondent par l'affirmative, l'ordonnance du tribunal enjoignant d'ailleurs au préfet de suspendre l'arrêté en litige « sur le fondement de l'article 3-2 du règlement du conseil du 18 février 2003 ».

 

Deux hypothèses pouvaient, dès lors, être dégagées. En premier lieu, l'exécution de l'arrêté en cause pouvait être suspendue temporairement à l'initiative du préfet, dans l'attente de l'accouchement de Mme Nikoghosyan. Il n'y avait donc pas violation de l'article 8, mais cette hypothèse, développée à l'audience et dans les mémoires portés à la connaissance du Conseil d'Etat, privait M. Nikoghosyan de la possibilité « d'apporter les justifications exigées et de répondre aux interrogations des autorités [autrichiennes] en charge du dossier d'instruction ». Le Conseil d'Etat retiendra ainsi l'atteinte disproportionnée de l'arrêté « au droit de bénéficier d'une procédure d'examen de sa demande d'asile conforme aux garanties qui doivent s'y attacher ». En effet, le Conseil d'Etat considère, depuis un arrêt du 12 janvier 2001, que le droit d'asile, « qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié », constitue une liberté fondamentale (CE 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, Lebon p. 12  ; AJDA 2001, p. 589, note J. Morri et S. Slama  ; Dr adm. 2001, n° 102).

 

En second lieu, la préfecture, ce qui semblait être l'hypothèse la plus logique, exécutait son arrêté. M. Nikoghosyan pouvait alors être séparé de sa femme, qui serait restée en France le temps d'accoucher, ou être reconduit en Autriche avec cette dernière, qui avait également fait l'objet d'un arrêté similaire. Dans ce cas, les époux demeuraient ensemble, sans qu'il soit possible d'invoquer une atteinte disproportionnée de l'arrêté préfectoral au respect de la vie familiale du couple Nikoghosyan. Seule l'imminence de l'accouchement laissait craindre une fausse couche durant le voyage, et donc le décès de l'enfant à naître. Mais le juge des référés pouvait-il intégrer l'enfant à naître dans la cellule familiale, afin de faire bénéficier le requérant des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ?

 

La doctrine définit généralement la famille comme « l'ensemble des personnes qui sont unies par un lien de sang, qui descendent d'un auteur commun » (Vocabulaire juridique, PUF, 1987). La directive communautaire du 22 septembre 2003 précitée distingue quant à elle la famille nucléaire, « c'est-à-dire le conjoint et les enfants mineurs », de la famille au sens large visant « les ascendants en ligne directe, les enfants majeurs célibataires, les partenaires non mariés ou enregistrés ainsi que, dans le cas d'un mariage polygame, les enfants mineurs d'une autre épouse et du regroupant ». Nulle part il n'apparaît que l'enfant à naître pourrait, de quelque manière que ce soit, être intégré dans la cellule familiale telle que posée à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

 

L'ordonnance du 4 novembre 2003 du tribunal administratif de Lyon innove donc considérablement. Constatant qu'il n'est pas possible d'appliquer l'article 8 aux seuls époux Nikoghosyan, elle fait appel à un principe général du droit civil aux termes duquel « l'enfant [conçu] est réputé né chaque fois qu'il y va de son intérêt », ou selon la formule du Digeste de Justinien (VIe s. ap. J.-C.) : Infans conceptus pro jam nato habetur quoties de commodis ejus agitur (Cass. 1re civ. 10 décembre 1985, Bull. civ. I, n° 339 ; D. 1987, p. 449, note G. Paire ; Defrénois 1986, p. 668, obs. A. Breton, « La détermination des enfants à naître vivant au foyer doit être faite en se conformant aux principes généraux du droit, spécialement à celui d'après lequel l'enfant conçu est réputé né chaque fois qu'il y va de son intérêt »). Cette fiction juridique permet habituellement d'intégrer l'enfant à naître dans le partage successoral, au même titre que ses frères et soeurs déjà nés, à la condition qu'il naisse vivant et viable. Ainsi que le rappelle l'article 725 du code civil, « pour succéder, il faut exister à l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable ». Le tribunal administratif inverse néanmoins le raisonnement, la naissance de l'enfant vivant et viable étant entendue non comme une condition mais comme un effet : « qu'il convient d'appliquer ce principe [...] lorsque le départ de Mme Nikoghosyan en Autriche avec son époux pourrait mettre en péril la vie de l'enfant à naître ». Le principe infans conceptus... est donc pris en tant que tel, l'intérêt principal de l'enfant étant que lui soit garanti le droit de naître vivant et viable. L'analyse de l'ordonnance relève donc d'une approche personnelle et non patrimoniale, l'existence de l'enfant primant sur sa naissance.

 

Toutefois, le tribunal administratif se garde bien d'appliquer le principe de façon absolue, puisqu'il en limite les effets au seul cas où l'accouchement est imminent. La fiction juridique permet dès lors « d'intégrer l'enfant à naître dans la cellule familiale visée à l'article 8 de la Convention ». Le Conseil d'Etat confirme cette position, en énonçant que le préfet a porté une atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie familiale du requérant, ce qui donne à l'ordonnance une portée qui s'étend à toutes les juridictions administratives de premier et second degré (effet renforcé par la mention d'une publication de l'ordonnance du Conseil d'Etat aux tables du Lebon).

 

Il serait cependant hâtif d'affirmer que l'enfant à naître peut être considéré comme un membre de la famille en droit européen, même de façon relative, en l'absence d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur ce point. La jurisprudence de la Cour s'est toujours attachée à préserver les intérêts de l'enfant. Ainsi dans l'affaire Yousef c/ Pays-Bas, elle réaffirme que, « dans les décisions de justice portant sur les droits de parents et ceux d'un enfant tirés de l'article 8, ce sont ceux de l'enfant qui priment. S'il y a lieu de mettre ces intérêts en balance, ceux de l'enfant doivent l'emporter » (CEDH 5 novembre 2002, Yousef c/ Pays-Bas, req. n° 33711/96). Dès lors, le principe du respect de la vie familiale ne peut être considéré comme violé lorsque le père naturel, qui a l'intention de perturber la vie familiale de sa fille, s'est vu refuser sa demande de reconnaissance de paternité. L'interprétation donnée à la notion de cellule familiale visée à l'article 8 est d'ailleurs très large, le critère applicable étant celui de relations présentant le caractère de « vie familiale » (CEDH 27 octobre 1994, Kroone et autres c/ Pays-Bas, req. n° 18535/91). Or il fait peu de doute que l'enfant à naître, dès lors que l'accouchement est imminent, est déjà en relation familiale, même passive, avec ses parents, dont il est l'objet de toutes les attentions.

 

L'application du principe infans conceptus... à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas dénuée de tout fondement. Elle s'associe d'ailleurs avec l'article 2, § 1, de la même Convention aux termes duquel « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ». On peut toutefois s'interroger sur l'ambivalence de position entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. Si le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à la reconnaissance de l'enfant à naître comme personne, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 juin 2001, a rappelé que l'enfant à naître ne pouvait faire l'objet d'un homicide involontaire, tel qu'il est prévu à l'article 221-6 du code pénal (Cass. Ass. plén. 29 juin 2001, D. 2001, comm. 2917, note Y. Mayaud  ; JCP 2001, II, 10569, rapport. P. Sargos, concl. J. Sainte-Rose). Le législateur, auquel il appartient, de déterminer si le principe de respect de tout être humain dès le commencement de la vie s'applique ou non à l'enfant à naître, ne s'est pas prononcé sur la question (Cons. const. 27 juillet 1994, Seguin et autres, DC n° 94-343-344, D. 1995, p. 237, note B. Mathieu  ; D. 1995, Somm. p. 299, obs. Favoreu ). Une solution pourrait toutefois résider dans la distinction entre l'embryon, soumis à la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse, et le foetus, auquel serait reconnu la personnalité juridique, par la création d'un nouvel acte d'état civil. Quoi qu'il en soit, l'ordonnance du tribunal administratif de Lyon, en intégrant l'enfant à naître dans la cellule familiale posée à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, nous met en face d'un étrange paradoxe : l'enfant à naître, une personne en droit public, une chose en droit privé ?

 

 

Mots clés :

ETRANGER * Reconduite à la frontière * Droit au respect de la vie familiale * Enfant à naître

PROCEDURE CONTENTIEUSE * Procédure d'urgence * Référé-liberté